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et la ligue de l’enseignement

dis honnête, mon ami ; je n’en crois rien. Montre-moi ta cote ! 6 francs 50 centimes. Elle est immorale ; passe au large. »

Pauvre humanité, qui ne fait guère que changer d’errements et qui appelle cela le progrès ! Autrefois chez nous, à chaque avènement, le roi nouveau commençait son règne par faire rendre gorge, comme on disait, aux financiers. Leur faire rendre gorge, c’était les pendre, les écarteler, confisquer leurs biens. Les gens d’alors ne faisaient qu’en rire. Survenait-il un besoin public, souvent même sans besoin, pour un caprice, on tombait sans crier gare sur les marchands d’argent ; on les tuait, on les pillait sans remords ; c’était de bonne guerre. Argentier et voleur étaient synonymes. Le temps et la raison ont fait justice de cet abus. En revanche, argent est devenu le synonyme légal de vertu civile. Une loi est venue proclamer qu’à une somme donnée commençait la confiance de la société dans chacun de ses membres ; qu’au-dessous elle ne reconnaissait plus de citoyens. Une loi a proclamé cela, et les gens d’aujourd’hui ne font qu’en rire ; ils trouvent la loi très bien imaginée. Un homme est flétri, déshonoré, notoirement incapable ; il a volé sa fortune ; il ne sait pas lire : n’importe. Il paie 200 francs : il a la confiance de la société. En fait de contributions, la recherche de la paternité est interdite. Un autre homme est l’orgueil de sa patrie, c’est un génie, un héros : n’importe encore. Il ne paie pas 200 francs ;