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jean macé

que votre brevet de moralité, à vous, n’a qu’une signature, celle du percepteur des contributions, et vous tomberez d’accord avec moi qu’il n’est pas juge de la matière. Tant que vous n’aurez pas d’autre diplôme à présenter, souffrez que vos compatriotes, moins bien partagés par le sort, soient vos égaux dans l’estime publique. Pauvreté n’est pas vice, que je sache, et pourquoi douter d’eux plus que de vous ?

» Notez qu’en accordant aux riches, je veux dire aux gros contribuables, l’égalité de vertus, je me brouille avec tous les moralistes connus, avec l’enseignement constant des religions et des philosophies, avec l’opinion de tous les temps, de tous les pays. S’il vous souvient de l’Évangile, vous savez ce qu’y dit quelque part Jésus-Christ, qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, c’est-à-dire d’être honnête homme. Les philosophes, je vous en fais grâce ; laissez-moi seulement vous citer ce vieux dicton qui a consolé tant de misères : pauvre mais honnête, dicton qui n’aurait plus cours aujourd’hui : vous avez consacré tout le contraire. Il appartenait à notre siècle, si plein de mépris pour ses devanciers, de renverser toutes les idées reçues sur la distribution en sens inverse des richesses et des vertus, d’entreprendre la glorification morale de l’homme d’argent et d’arracher au pauvre sa consolation dernière, le droit à l’estime. « Tu te