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et la ligue de l’enseignement

moins difficile. Jean Macé s’y révéla sous un nouvel aspect. On connaissait l’écrivain, la séduisante bonhomie de son style ; on vit apparaître, non l’orateur, mais le causeur, tout débordant de cœur et de conviction, préoccupé, avant tout, de convaincre et non de plaire et subjuguant d’autant plus, laissant aller sa parole à tous les hasards de l’improvisation, vif, spirituel, enjoué, trouvant sans cesse, à côté des accents qui remuent les âmes, la phrase ingénieuse et le mot qui, se gravant dans l’esprit, y laissent une vive et durable empreinte[1]. Il est impossible d’ap-

  1. La manière de Jean Macé conférencier est très bien décrite dans les lignes suivantes publiées par l’Électeur libre, de Chaumont (Haute-Marne), pour rendre compte d’une conférence sur « l’école et le régiment », faite à Chaumont par Jean Macé, le 4 mars 1883 :

    Nous n’essaierons pas de reproduire cette conférence, cela serait impossible, On ne peut malheureusement noter sur le papier le ton, le geste, le mouvement tout ce qui fait la vie et la puissance de la parole humaine. Or, pour donner à ceux qui n’ont pas entendu Jean Macé une idée de sa force, il faudrait tout cela. Son talent est si original, sa parole si spontanée, son geste si vivant, son accent si fortement empreint de la passion qu’il ressent au moment même, que répéter tout ce qu’il a dit, le pût-on faire exactement, sans ce merveilleux accompagnement, mieux encore, sans cette bonhomie si gaie, sans cette chaleur de bonté toute paternelle, sans cette grâce souveraine du vieillard bouillant d’ardeur pour tout ce qui est jeune et généreux, serait envers lui une espèce de trahison.

    Imaginez la conversation la plus variée, la plus vagabonde, la plus simple, la moins apprêtée, la moins prétentieuse, avec des mots, des cris d’éloquence qui jaillissent comme autant de traits de lumière. L’orateur ne fait pas de phrases : il a horreur des