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jean macé

les gendarmes parcourent les villages, intimidant les gens et empêchant de signer. Partout, les instituteurs qui sont soupçonnés d’être favorables au pétitionnement sont en butte à des misères sans nombre de la part du clergé[1]. Le ministre de l’instruction publique lui-même baisse pavillon devant les ennemis de la réforme. À un recteur d’académie qui signale la pétition cléricale et les menées actives par lesquelles on la répand, il écrit qu’il se refuse à prendre des mesures pour arrêter cette propagande, mais qu’il s’oppose au colportage de pétitions en sens inverse sous prétexte qu’elles agitent le pays. Sous la plume d’un ministre qui se disait républicain, cela n’était-il pas inouï ?

Malgré tout, le mouvement alla sans cesse gran-

  1. Un instituteur écrivait à M. Vauchez la lettre suivante :

    Monsieur,

    Je vous avais demandé des feuilles de pétition pour l’instruction gratuite et obligatoire ; je les ai reçues, mais je n’ai pu les faire circuler. La malédiction cléricale m’aurait écrasé, et il faut que je vive pour que ma femme et mes enfants aient du pain.

    J’aurais pu ou plutôt je pourrais avoir 300 signatures. La plupart de ceux même qui, par intimidation, par nécessité, ont signé la pétition du clergé, s’empresseraient de réparer, autant que possible, leur faute en signant la nôtre.

    Et dire que la plupart des instituteurs de France sont dans la même position que moi ! Si la pauvreté, la misère, l’esclavage font commettre bien des bassesses, que de nobles sentiments n’empêchent-ils pas de se produire ?

    Daignez agréer, etc.