Page:Dessaulles - Six lectures sur l'annexion du Canada aux États-Unis, 1851.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire une fausseté, si l’on prend ces mots dans leur sens absolu. La reine d’Angleterre n’étant souveraine que nominalement, nous ne pouvons pas être ses sujets positivement. La reine d’Angleterre n’est, pour nous, que le symbole de la souveraineté du peuple Anglais : nous ne sommes donc ses sujets que symboliquement. Du moment que l’on admet que sa souveraineté sur nous est une pure théorie, une fiction constitutionnelle, il faut bien admettre aussi que la loyauté que nous lui devons ne peut pas être une réalité.

Mais on dira peut-être que c’est au peuple Anglais que nous devons loyauté et fidélité, puisqu’il est réellement souverain en Canada. Voilà ce que je réponds.

L’Angleterre a conquis le Canada qui était trop faible pour lui résister et se défendre. Faut-il voir là un droit exercé par elle ? Non, Messieurs, c’est la violation de notre propre droit qu’il faut voir dans la conquête de notre pays ; violation qui n’est maintenue aujourd’hui que par la force physique. Le Canada n’est donc pas colonie Anglaise par choix, ni en vertu du droit qu’avait l’Angleterre de l’assujettir, car notre souveraineté, comme individus ou comme agglomération d’hommes, est tout aussi inaliénable que celle du peuple Anglais lui-même. Or le droit de l’Angleterre n’ayant pas d’existence, le devoir n’existe pas non plus pour nous, car il n’existe pas de devoir sans droit ; l’un est le générateur de l’autre.

Je maintiens donc que le peuple Anglais n’étant souverain, en Canada, que de fait et non de droit, rien n’est ridicule, rien n’est pitoyable comme ces exhortations à la loyauté que l’on nous fait tous les jours ; comme ces niaises banalités que tous nos corps publics expriment à qui mieux mieux sur leur inviolable fidélité, sur leurs prétendus devoirs envers Sa très gracieuse Majesté, qui doit se trouver bien honorée, en vérité, de toutes ces protestations hypocrites dont elle sait que nous ne pensons pas un mot.

Néanmoins, quand tous ces lieux communs usés, quand toutes ces formules décrépites nous sont adressés par le ministre des colonies, ou par le représentant de la reine d’Angleterre dans le pays, il n’y a pas grand’chose à dire, car ils doivent naturellement parler comme si le droit de l’Angleterre était incontestable et admis : d’ailleurs il est du