Notre demande est nouvelle ! c’est possible ! mais cela ne prouve nullement qu’elle soit intempestive, imprudente, séditieuse, punissable ! Il a été un temps aussi ou la demande de l’Émancipation des catholiques était nouvelle ; cela n’a pas empêché que cette mesure ne soit devenue loi de l’Empire.
Tout ce que cette demande prouve, c’est qu’il s’est opéré un grand progrès dans le dix-neuvième siècle ; c’est que le droit colonial repose aujourd’hui sur des bases plus larges, plus libérales qu’auparavant ; c’est que les gouvernants sont devenus plus tolérants, plus éclairés qu’ils ne l’étaient il y a cinquante ans ; c’est que les plaintes du faible, ses besoins, ses désirs, commencent à compter pour quelque chose ; cela prouve peut-être aussi que les nations ne sont plus regardées comme des troupeaux humains dont quelques familles peuvent se transmettre la propriété de génération en génération.
Notre demande enfin forme le premier jalon de la voie nouvelle où le dix-neuvième siècle a poussé le droit public, et je suis convaincu d’une chose, c’est que nos adversaires ne la blâment si fort que parce qu’ils y voient une preuve tangible que l’esprit réactionnaire est désormais forcé dans ses derniers retranchements.
Nos hommes du passé, voyant que très souvent le progrès politique des nations était retardé plutôt qu’accéléré par la résistance physique ; et ne pouvant s’élever jusqu’à l’idée que le Canada pût jamais devoir son indépendance à autre chose qu’une révolution, spéculaient, pour ainsi-dire, sur les passions humaines et désiraient que quelques imprudences partielles missent l’Angleterre à même d’écraser encore le pays.
Eh bien, ces hommes ont été frustrés dans leur coupable espoir, et ils hurlent de dépit aujourd’hui, parce qu’ils sont forcés de s’avouer que les annexionnistes ont été plus sensés qu’eux.
D’ailleurs, Messieurs, vous avez vu avec quelle force et quel ensemble la presse métropolitaine a fait justice de toutes les servilités de notre presse locale ! Vous avez vu comme tous les journaux Anglais ont discuté froidement, cordialement même le manifeste annexionnistes ? Un seul journal important en a contesté l’apropos, tout en admettant le droit de la colonie d’obtenir plus tard une séparation ! mais aussi le Times a dit que cette démarche devait être accueillie avec respect