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mes sophismes raffinés dont V. G. me fait compliment, — compliment que je ne puis absolument pas lui rendre en conscience puisque les siens ne sont pas même dégrossis — elle pourrait peut-être trouver dans les fortes plumes dont elle s’est entourée un rempart inébranlable contre eux. Je me permettrai donc de faire à V. G. la petite proposition que voici, qui m’est inspirée par le plus pur esprit de justice.

V. G. consacrera le Franc-Parleur, par exemple, à une discussion complète de mon pamphlet et me permettra la réponse dans la même feuille. Je crois que l’augmentation des abonnements, si pareille discussion devait s’y faire, couvrirait au moins les dépenses ; et s’il y avait déficit, je promets à V. G. une souscription assez abondante pour le couvrir. Je n’aurai droit qu’au même nombre de colonnes que les illustres porte plume de V. G. Ils écriront deux ou trois séries d’articles et moi autant.

De cette manière, les lecteurs verront l’éblouissante vérité lumineusement exposée par les champions de V. G. en parfaite juxtaposition avec mes insolences, mes faussetés, mes honteuses témérités, mes malices infernales, mes horreurs et mon satanique orgueil !  ! Sûrement V. G. doit avoir la complète certitude que je serai broyé sans merci par les transcendants génies qu’elle peut mettre en ligne. Si V. G. refuse cette proposition, qui assure le triomphe de la vérité sur mes mensonges, elle rend un très mauvais service à la religion. Je viens lui offrir en toute bonne foi de me faire démolir par ses écrivains. Va t-elle refuser cette précieuse occasion d’en finir avec celui qu’elle appelle « un dangereux ennemi de la religion ? » Là au moins, Mgr le public verrait un peu de sens de justice et surtout de bonne tactique. Car quand il voit V. G. me dire des injures formidables puis défendre de me lire sans même essayer de me réfuter ; au lieu d’admirer la tactique de V. G. il se met tout simplement à rire, Mgr et il a raison. Et il n’y a rien au monde, Mgr qui mine les plus hautes autorités comme le rire qu’elles produisent par leurs erreurs de tactique. Ce que je propose à V. G. ferait voir qu’elle est convaincue de ce qu’elle dit, et si elle le refuse, Mgr quelle sera la conséquence ? Il faudra bien que les gens se disent que V. G. craint de mettre la vérité en juxtaposition avec l’erreur. Ils en inféreront naturellement que V. G. n’est pas aussi sûre de ce qu’elle dit qu’elle paraît l’être. Ils finiront peut-être même par se douter que j’ai dit des vérités si l’on n’ose pas me rencontrer face à face dans la même feuille ; si l’on n’ose pas laisser arriver mes réponses aux lecteurs que l’on façonne avec tant de sollicitude.

Et si V. G. trouve d’autres objections à ma proposition, qu’elle m’accorde une rencontre publique avec n’importe qui elle voudra choisir pour démontrer les prétendues abominations qu’elle me reproche avec tant d’aigreur. Je promets un bel auditoire à V. G. et là Mgr les chances seront certainement contre moi. Sûrement V. G. ne doit pas avoir de peine à trouver dans le Clergé des hommes qui ne feront de moi qu’une bouchée, comme le disait un de ses amis ces jours derniers même. V. G. a à sa disposition des prédicateurs éminents, des hommes qui ont étudié ; sans oublier le célèbre petit sacré collège de ses chanoines. Qu’a-t-elle à craindre derrière pareille armée ? Ses défenseurs auront tous les infolios des pères, et moi, que les partisans des bons principes représentent comme un pauvre hère de savantasse qui n’a jamais lu que des compilations et des encyclopédies, comment éviterai-je d’être écrasé sous les vastes connaissances des Lemos[1] modernes que V. G. peut ranger en cohorte serrée contre moi ?

Encore une fois, si V. G. refuse pareilles propositions là où elle a tant de force et tant de prestige, elle est abso-

  1. Lemos était un controversiste du 16ème siècle qui, ayant une voix d’un volume prodigieux, couvrait complètement celle de ses antagonistes et les réduisait ainsi au silence. Mais cette manière de procéder l’empêchait de faire beaucoup de prosélytes.