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partement laissait un peu à désirer. Au reste son prédécesseur avait fait comme lui, et aussi le prédécesseur de celui-ci, de manière qu’em fin de compte le département des reliques apparaît s’en être allé tranquillement à la dérive, depuis nombre d’années, à la grâce de Dieu.

Voilà un fait qui a bien sa gravité : des membres de la curie qui s’entendent pour spéculer sur la bonne foi du monde catholique ! Mais entrons dans quelques autres détails.

Je dois dire ici que plusieurs des accusés ont été déclarés innocents, savoir : le père Gaggi qui, d’après le portier Colangeli, apposait les sceaux aux objets expédiés ; les deux prêtres Apselmi et Milani, et les deux frères Campodonico. Le frère Benoit avait été escamoté par ses supérieurs et n’a jamais comparu, ayant été dirigé sur les quatre coins du monde en vertu du vœu d’obéissance. Mais malgré la culpabilité évidente de tous les accusés, on ne voit pas d’autre sentence rendue que celle portée contre le portier Colangeli, dont on est tenté de croire que l’on a voulu le faire bouc émissaire de la religieuse entreprise. Étant laïc et interne, il avait beaucoup moins de chance que les internes ecclésiastiques qui pouvaient tous disposer de diverses influences. Colangeli fut donc condamné à 105 jours de prison au Château St. Ange et à 45 jours dans une prison commune. Mais en entendant cette sentence, son avocat, Signor Ruga, donna une notice d’appel à une juridiction supérieure. Et comme il était de la dernière importance d’éviter le bruit en pareille matière, et qu’avec un deuxième procès il eût été à peu près impossible de soustraire l’affaire à la connaissance du public, dès le lendemain de la sentence, Colangeli reçut un pardon en règle. Quant à ceux qui ne furent pas déclarés innocents, comme ceux que je viens de nommer, il paraît qu’on ne les déclara pas coupable non plus, Colangeli seul, à titre de portier, recevant toute la bordée. Voilà la justice romaine qui na pas pu condamner injustement l’Institut, et qui de fait ne l’a pas condamné, mais a joué adroitement avec la situation et les faits comme dans l’affaire dont je parle ici. Ainsi personne ne fut puni dans une si grave affaire qui intéressait tout le monde catholique, et celui-ci n’entendit pas même souffler mot de la malencontreuse découverte. Combien d’actes odieux de despotisme, d’arbitraire, ou de fraude, ont été ainsi étouffés à Rome, au moyen de cette honnête pratique de tout soustraire à la publicité. On ne déteste rien autant à Rome que le secret chez les autres, mais le secret en tout et l’absence complète de publicité n’en étaient pas moins l’essence de tout le système administratif.

Comment donc l’affaire est-elle venue à la connaissance du public ! Car, par le fait même de la commode procédure secrète de la justice romaine, la chose peut paraître extraordinaire et demander explication. Voici donc comment le tout s’explique.

Depuis que la liberté politique et civile, et la liberté de la presse, existent à Rome, mille choses dont on n’osait souffler mot autrefois sont devenues matière de discussion. Les anciennes victimes de la tyrannie ombrageuse du gouvernement pontifical ont enfin pu raconter les actes incroyables d’arbitraire commis à leur préjudice. Bien des récriminations se sont fait jour, bien des infamies, bien des disparitions subites de personnes se sont dévoilées et expliquées. Bien des gens qui ne savaient pas pourquoi ils étaient en prison ont vu tomber leurs fers le jour de la prise de Rome. De grandes haines, accumulées quelquefois pendant des générations, ont pu enfin se produire en public. De là l’exagération de certaines publications qui dans quelque cas dépassent les bornes, mais dans lesquelles tout est loin d’être faux. Des vérités indéniables ont été dites, et des abominations contre la liberté individuelle ont été constatées par l’absence même de toute explication dans les écrous des prisons, relative à l’emprisonnement de centaines d’accusés. Le voleur savait toujours pourquoi il était