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J’ai pris connaissance, depuis la publication de mon dernier pamphlet, d’une partie des prodigieux détails d’une importante enquête qui s’est tenue à Rome en 1866 contre divers fonctionnaires de la curie romaine, et je veux poser à V. G. la simple question que voici :

Ces détails étant vrais, les catholiques du Canada peuvent ils être mis en cas réservés pour les lire, ou garder chez eux le livre où ils sont exposés ? Comme V. G. les a mis en cas réservés pour garder un livre qu’elle prétend à tort insulter le Pape et les Cardinaux, j’aimerais savoir si la lecture d’une relation de faits vrais les exposerait aux mêmes conséquences. Car enfin, Mgr, les catholiques ne savent réellement plus où ils en sont avec tout ce qu’ils s’entendent dire.

V. G. sait qu’il existe au Vatican un département appelé la Lipsanotica. C’est dans ce bureau que l’on porte tout ce qui a le caractère de sainte relique pour faire décider de leur authenticité. Ainsi quand on trouve des ossements dans les catacombes, sous certaines conditions, ces ossements sont portés à la Lipsanotica et le gardien décide souverainement, d’après les circonstances et les accessoires, si ce sont les os d’un martyr ou d’un saint. Une fois l’authenticité des reliques ainsi établie par le gardien du bureau, on les distribue dans la catholicité en ayant soin d’en obtenir le meilleur prix possible. Il est bien entendu que ce n’est pas la relique elle-même que l’on vend, mais cette relique est mise dans une statue de cire ou dans une niche resplendissante, ou elle est montée en or comme un bijou, et on fait un très beau profit sur le contenant seul, pas le moins du monde sur le contenu. Je ne dirai rien ici des plaintes de quelques prêtres, dans des livres puissamment écrits, sur la faiblesse des données sur lesquelles beaucoup de reliques ont été déclarés authentiques, ni sur les graves méprises que V. G. n’ignore pas avoir eu lieu quelquefois, car cela m’entraînerait trop loin. Je ne le ferai que si j’obtiens la rencontre parlée ou écrite que je demande.

Je vois donc, Mgr, dans un livre très savant que j’ai reçu ces jours derniers, que plusieurs des membres de la sainte curie romaine employés dans le département des reliques, ont été en 1866, accusés de faire en grand le commerce des fausses reliques. Les accusés étaient : le très Rév. Dr Archangelo Scognamiglio, le gardien de la Lipsanotica ; le père Gaggi, jésuite et official du département ; le frère Benoit, aussi de la société de Jésus ; l’abbé Rembert, prêtre minorite ; le Rév. Bembo Nare, Don Antonio Anselmi et Don Guiseppe Milani, prêtres attachés à la Lipsanotica ; un nommé Norberto Constantine, que rien ne m’indique avoir été prêtre ; puis Guiseppe Colangeli, portier de la Lipsanotica, et deux frères du nom de Campodonico, l’un fabricant de chapelets, et l’autre de niches ou de petites boîtes pour enchâsser les reliques.

L’enquête a montré que ce consciencieux commerce de fausses reliques remontait à 1828. Or comme on était en 1866, il y avait donc trente huit ans au moins qu’il durait. C’est un âge respectable pour un abus. Mais à Rome, il est rare qu’un abus soit jeune. On finit toujours par découvrir qu’il remonte à des années, ou à un temps immémorial. J’en montrerais remontant de génération en génération jusqu’à plusieurs siècles. Et ce ne sont pas les moindres ! Et celui dont je parle ici en est peut-être un !  !

S’il y a beaucoup d’hommes de mérite dans la curie romaine, il y a donc aussi de faux pasteurs qui spéculent sur la crédulité publique. Enfin, l’envers de la nature humaine se voit là comme ailleurs. Mais tout n’y est donc pas souverainement auguste comme V. G. aime à le dire, et il est clair que du Doyen des Cardinaux en descendant jusqu’aux sacristains de chapelle, il y a ça et là bien des caractères indignes.

Il peut être bon d’ajouter que le cardinal Patrizzi, l’Évêque en fonction de Rome puisqu’il est cardinal-vicaire, est à la tête du département des reliques. Il n’a été aucunement impliqué dans la spéculation des fausses reliques, mais il est évident par les seules dates que sa surveillance sur ce dé-