Page:Dessaulles - Réponse honnête à une circulaire assez peu chrétienne suite à la grande guerre ecclésiastique, 1873.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 25 —

fait illégale en ordonnant au Protonotaire de passer outre à la requête de V. G. mais l’Église ne se tient pas facilement pour battue. Cette persistance acharnée à ne tenir aucun compte de la loi et des tribunaux montre quel danger permanent constitue pour les institutions d’un pays les prétentions d’un corps qui affirme que lui seul ne se trompe pas et doit imposer sa loi aux gouvernements comme aux individus.

L’entête imprimé sur le premier feuillet du régître constatait donc qu’il était présenté par M. X… curé de la paroisse de St. Henri des Tanneries, dûment autorisé par l’Évêque, etc. Il y eut une petite tentative, en déposant le régître pour authentication, de montrer au Protonotaire ce qu’il avait à faire, mais celui-ci pria tout simplement le porteur du régître, le curé et son avocat, de laisser leur livre sans plus de discussion ou de le remporter. On le laissa donc.

Or, Mgr, il fallait être bien osé pour venir, en face d’une décision des juges, essayer de compromettre l’officier de la loi par une formule toute préparée, imprimée sur la première page d’un document public dont chaque page doit être paraphée ; et cela dans l’espoir que le Protonotaire n’oserait pas laisser de côté la page couverte d’une formule irrégulière. Heureusement on avait affaire à un officier public assez indépendant d’esprit pour faire son devoir même en déplaisant à un Évêque. Jamais laïc ne se permettrait de signifier ainsi de fait au banc judiciaire qu’il se moque d’une décision demandée par lui-même, la regarde comme non avenue, et entend agir exactement comme si elle n’eut pas été rendue. Il n’y a que des Évêques gâtés par le pouvoir qui a besoin d’eux qui puissent se permettre pareille outrecuidance. Mais le Protonotaire n’ayant pas, comme certains autres officiers, eu peur de l’influence épiscopale, la loi et la décision des juges furent respectées. Il mit donc sur la seconde page du régître l’Entête que voici :

Ce régître, commençant au feuillet No 2, (le premier ayant été gâté par un imprimé) et se terminant au feuillet 35, nous a été présenté par M. X… prêtre autorisé par S. G. Mgr l’Évêque de Montréal à faire les baptêmes, mariages et obsèques pour l’Église de St. Henri des Tanneries dans la paroisse de Montréal, a été authentiqué

Voilà tout le résultat qu’obtint la petite ruse de V. G. qui faisait ainsi imprimer à l’avance un Entête pour guider, ou au moins gêner un peu le Protonotaire dans l’exécution de son devoir. Je ne sais pas exactement combien de semaines on a mis à combiner ce terrible moyen d’embarrasser le pouvoir civil, mais il n’avait, comme ou le voit, rien de bien embarrassant. Le Protonotaire déclara tout simplement que le premier feuillet était gâté par un imprimé, et que le régître commençait au 2ème feuillet seulement ; et il dut naturellement parler dans l’Entête qu’il rédigea lui même en harmonie avec la loi, de l’Église de St. Henri des Tanneries comme renfermée dans la paroisse de Montréal, seule civilement érigée, et du curé canonique comme du prêtre autorisé par Mgr de Montréal à faire les baptêmes, etc., etc. La chose n’était pas absolument impossible à trouver, et l’avocat consultant aurait du la voir. La petite ruse épiscopale n’a donc pu mûrir au soleil de la suprématie ecclésiastique. Le public attend maintenant avec impatience quel nouveau moyen V. G. va adopter pour contrecarrer la loi et le pouvoir civil ; mais tout cela montre à ce même public que V. G. frappant toujours à faux, elle a pu en faire autant en mettant en bloc dans les cas réservés tous ceux qui auront dans leurs maisons un livre où l’on ne montrera pas autre chose que la vérité et le désir de maintenir le vrai. Que V. G. veuille bien accepter mes propositions, et le public verra de quel côté l’embarras sera le plus grand.

Enfin, Mgr, je vais poser une question sous forme pratique à V. G. Si elle n’y répond pas le public sera juge de ses motifs. Il s’agit d’une chose d’une immense importance théorique et pratique.