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lui défendre d’apprécier un livre qui n’a d’autre objet que de montrer le prix de ses prétentions à dominer le temporel ?

Pourquoi V. G. est-elle venue écrire contre l’Archevêque ? Nécessairement pour montrer au public comment l’Archevêque avait tort et elle-même raison ! Elle est venue dire au public : « Vous ne devez pas, sans m’entendre, croire que je me trompe et que c’est l’Archevêque qui a raison. » Aurait-elle pu dire à ce même public : « Je vous ordonne de croire que c’est moi qui ai raison ? » Non sans doute, car cette seule manière de poser une question eut tourné contre elle l’opinion qu’elle désirait se rendre favorable.

Et de V. G. à moi, il ne s’agit aussi pour le public que d’une simple question de justice. Tout ce que le public demande, le voici : Lequel des deux a raison ? Ceux qui ont lu mon livre en ont trouvé des faits connus de tout le monde relatés avec exactitude ; les autres faits généralement inconnus et dont il faut démontrer l’inexactitude sous peine de les voir accepter comme vrais ; des citations d’auteurs dont on n’a pas encore prouvé la fausseté, et des appréciations d’actes publics qu’il sait découler logiquement de ces actes. Il faut donc maintenant me faire voir où et comment je me trompe. Le dire sans le montrer, c’est battre l’air avec une paille. Si on lui eût démontré des erreurs chez moi, ce public, plutôt préjugé en faveur de S. G. qu’en ma faveur, m’eût avec empressement donné le tort. Le fait est que les neuf dixièmes des lecteurs de mon livre désiraient voir V. G. exonérée de tout blâme et se fussent sentis intérieurement soulagés si on eût montré comment je me trompais, mais quand le public a vu V. G. m’insulter au lieu de raisonner, et défendre la lecture d’un livre qu’elle déclare mauvais et dangereux sans montrer où il est fautif, il s’est tout simplement dit :

« La raison et le droit sont nécessairement avec celui qui discute et raisonne, et appuie ses raisonnements de faits et d’autorités. Ils ne peuvent être avec celui qui admet son impuissance à réfuter le livre qu’il blâme par le seul fait qu’il n’entreprend pas même de prouver les prétendues fausses assertions du livre. Il n’y a pas un bon sens fait tout exprès pour les Évêques et qui diffère du bon sens ordinaire entre laïcs. Que Monseigneur démontre les torts ou les erreurs de M. Dessaulles, et surtout les fausses représentations qu’il lui reproche, et nous nous rangerons de tout cœur contre ce dernier, mais il serait contre le bon sens de le condamner sur le simple ordre de son adversaire de ne pas croire un mot de ce qu’il dit. Un Évêque est obligé comme un autre de prouver sa sincérité et son savoir. Il ne peut pas plus qu’un autre être juge en sa propre cause et déclarer que celui qui lui reproche des fautes a tort sans montrer comment il a tort. Dans ce cas ci, il nous paraît très probable que l’Évêque ne prohibe le livre que parcequ’il n’aime pas à en entreprendre la réfutation. Alors sa défense de le lire est un acte purement arbitraire auquel nous ne sommes pas obligés de nous soumettre. L’Évêque ne peut pas plus décider sans le prouver que M. Dessaulles se trompe qu’il ne pouvait ordonner sans discussion au public de croire que l’Archevêque se trompait et non pas lui. De quel droit, après avoir appelé l’opinion à juger entre lui et l’Archevêque, vient-il dire à cette même opinion : « Je vous commande de croire que M. Dessaulles a dit des choses fausses. » Qu’il nous montre au moins qu’elles sont fausses. Si nous pouvions juger pertinemment la question entre l’Archevêque et lui, de quel droit vient-il nous dire que nous ne devons pas juger celle entre lui et M. Dessaulles et que nous sommes tenus devant Dieu de croire que c’est celui-ci qui ne dit pas la vérité. Nous n’y sommes clairement tenus que si on nous le montre. Si les faits cités par celui-ci sont vrais, il ne se trompe certainement pas.