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soumettre à la tyrannie cléricale. J’attendrai donc le moment opportun, et quand je croirai qu’il sera utile de donner encore une leçon à l’épiscopal, j’amènerai V. G. devant les tribunaux pour voir si elle peut infliger à plaisir des dommages pécuniaires aux individus ; si elle peut défendre dans les journaux aux fidèles d’acheter un livre qu’elle condamne mais qu’elle ne pourrait réfuter. V. G. trouve mon livre affreux ; mais des hommes plus compétents qu’elle m’ont remercié de l’avoir écrit. Je pourrais montré à V. G. bien des lettres de remercîments qui me sont venues de toutes les parties du pays. Des hommes importants m’ont écrit que quoique ne partageant pas toutes mes idées, ils n’avaient pas été fâchés de voir un peu remettre à sa place l’arrogance ecclésiastique qui nous déborde de tous côtés. D’autres m’ont écrit que depuis plusieurs années que la presse est bâillonnée, les hommes indépendants gémissaient de voir l’ultramontanisme parler seul et personne ne lui répondre. On m’a remercié d’avoir eu le courage de montrer ce qu’il est sous la patte de velours qu’il nous tend avec toutes les apparences de la sincérité. Des hommes de haute intelligence m’ont félicité du service que je venais de rendre, et je ne suis pas du tout disposé, Mgr à voir arrêter, par proclamation épiscopale, la vente d’un livre qui n’est qu’une protestation loyale contre un grand danger public. Il est donc possible que j’amène bientôt V. G. répondre de son acte devant la loi du pays. Si V. G. renferme, comme le Pape Boniface VIII, tous les droits dans son auguste poitrine, mieux vaux le savoir de suite. Si dans un pays de droit constitutionnel il n’existe aucun recours contre l’arrogance ecclésiastique qui prohibe les livres parcequ’elle ne peut les réfuter, que les juges nous le disent, et qu’ils nous informent du haut du banc judiciaire que dans les possessions anglaises ce n’est pas la Reine qui est souveraine, mais les Évêques sous l’autorité du Pape ; que ce n’est pas la constitution qui nous régit, mais les principes et les projets de l’ultramontanisme.

Non, Mgr, ces défenses de lire, de garder chez soi un livre ou un journal, sont des moyens trop usés pour être acceptés aujourd’hui. Les gens veulent lire, et V. G. devrait savoir que pas un homme intelligent ne se soumet à la défense de chercher à connaître les deux côtés d’une question. Quel est l’homme de bon sens qui se contentera de connaître un seul côté pour former son opinion ? Ce serait tout simplement l’acte d’un insensé.

Et pour lui dire toute la vérité, j’ajoute sans crainte d’être démenti que le public ne trouvant pas les ordres qu’elle donne fondés en fait ou en raison, regarde ses prohibitions avec une complète indifférence. V. G. a frappé dans le vide parceque le public veut des raisons ; et quand on ne lui en donne pas, on a beau parler d’autorité, il n’accepte pas ce qu’il juge être par caprice puisque l’on ne se donne pas la peine d’en montrer la rectitude. Il en est de même quand on tarde trop à la montrer. Ainsi quand V. G. vient faire un si grand crime à la Minerve d’un écrit publié en 1870, écrit dont elle n’avait jamais soufflé mot, comment le public peut-il voir autre chose dans cette tardive réminiscence que le désir de chercher querelle au lieu de définir le vrai ? Si l’article était si coupable, il fallait le condamner de suite. Mais V. G. ne vient demander une rétractation qu’au bout de trois ans et demi ! Elle a donc fermé les yeux sur ce grand mal pendant tout ce temps. Le mal n’était donc pas si grand qu’elle l’affirme, ou bien elle a manqué à son devoir, ou bien encore elle s’est trompée. Qui sait si elle ne se trompe pas encore ?

Pourquoi le public se croirait-il lié par les prohibitions d’un homme qui montre tant de passion et si peu d’appréciation saine des choses ?

L’opinion publique, Mgr, exige de la logique dans les actes comme dans les paroles. Comment d’ailleurs V. G. n’a-t-elle pas vu qu’après être venu elle-même plaider sa cause devant le souverain tribunal de l’opinion, elle n’avait plus le droit de donner des ordres à cette même opinion et de