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lemi sous la pression du pape Pie v, dont j’ai les abominables lettres chez moi, n’en ont pas voulu non plus ! Ferdinand II lui même, le fanatique dévastateur de l’Allemagne, et la fervente Marie Thérèse, n’en ont pas voulu davantage, et un Évêque canadien va réaliser, dans un pays anglais, un système que les rois les plus catholiques, les plus esclaves de la Cour de Rome, ont repoussé avec énergie !

Ah Mgr, réfléchissez donc seulement cinq minutes ! Ma demande n’a certainement rien d’exorbitant. Comprenez donc sous quelles institutions vous vivez ! Mettez vous donc dans l’esprit que vous n’êtes pas dans un pays d’imbéciles ! Revenez-nous, Mgr, du dixième siècle, où vous êtes resté enchâssé trop longtemps. Ce n’est pas sous les lois anglaises que V. G. pourra couper à volonté les vivres aux écrivains qui ont approfondi ce dont elle semble n’avoir pas la plus légère teinture ! Un juge en chef d’Irlande ne vient-il pas de déclarer qu’il n’y avait pas un homme sain d’esprit dans le barreau des trois Royaumes qui oserait formuler la doctrine : « qu’un ecclésiastique peut, au moyen des censures, infliger un tort quelconque dans sa personne ou dans ses biens, à un sujet britannique. »

Eh bien, Mgr, il devient important de savoir si un Évêque a le droit de défendre publiquement aux gens d’acheter un livre où ses idées préconçues lui font trouver des horreurs, quand avec un peu plus de lumières et moins de préjugés il y verrait une discussion parfaitement permise sur des sujets qu’il faut bien éclairer quand l’ultramontanisme fait tant d’efforts pour les obscurcir.

Je prétends donc, Mgr, que l’acte de V. G. de défendre d’acheter ou de vendre mon livre est une violation de mon droit de citoyen d’un pays libre. Avec un peu de compréhension de nos institutions, V. G. aurait vu que si elle a le pouvoir d’infliger une pénitence au confessional à celui qui le lira, quoiqu’il ne contienne que la vérité toute pure sur les personnes et les actes, elle n’a pas le droit d’en défendre l’achat par proclamation dans les journaux. Ce droit n’appartient pas même à l’autorité civile qui, par exemple, peut me faire poursuivre en justice si le livre est obscène ou immoral ; mais quand à laisser un Évêque usurper un pouvoir que l’état lui-même n’a pas, cela ne se verra pas Mgr ! Et puisque nous sommes arrivés sous la férule ecclésiastique au point de n’avoir pas même le droit de montrer qu’un pape a pu se tromper en matière temporelle, mieux vaut amener de suite la question devant les tribunaux et voir si un Évêque peut ainsi saper d’un mot tout le droit politique et civil d’un pays.

V. G. n’a sans doute pas songé à tout cela, tant les Évêques ont l’habitude de l’arbitraire et se croient au-dessus de toute loi, de tout droit, et même de toute convenance. Il est donc temps de ramener un peu les Évêques au sens de la réalité des choses, et de leur faire comprendre que pas plus que les autres ils ne penvent se faire justice à eux-mêmes et proscrire ceux qui résistent à leur arbitraire. Les Évêques ne peuvent pas limiter la libre action du citoyen dans la sphère politique. On va sans doute parler arrogamment de liberté religieuse, et de la garantie de l’exercice du culte catholique ; mais on devrait comprendre que la liberté religieuse et l’exercice du culte ne signifient pas le moins de monde que l’on peut détruire le droit du citoyen de résister à l’arbitraire ecclésiastique parceque celui-ci s’affirme sous peine de damnation. Quand les Évêques ont besoin de leçon parcequ’ils ne comprennent pas qu’il y a des limites à leur action extérieure sur la société, bien étrange serait le système qui leur permettrait de proscrire publiquement les livres écrits pour montrer la nécessité de limiter cette action extérieure dans de justes limites. Les Évêques vont-ils donc prétendre au contrôle du gouvernement et puis défendre d’acheter les livres où l’on montrera le danger de cette prétention ? Ah ! Mgr, il faut clairement voir si l’on ne fait des constitutions et si l’on ne passe des lois que