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« Où donc ai-je été chercher telle pensée ? D’où m’est venu ce pressentiment ?… »

Comme j’aimerais saisir la trame flottante des songes, dévider leur fil ténu, parfiler nœud par nœud les ramages qu’ils brodent dans les voiles du sommeil ! Que ce serait charmant de savoir ce qu’il passe, à mon insu, de ma vie dans mes rêves et de mes rêves dans ma vie… mystérieux enlacement que tous observent et que chacun explique à sa manière.

Pour l’imagination populaire, crédule et naïvement fataliste, les songes sont des présages, ils ont des « signifiances », comme ils disent joliment, et ils sont comme des images anticipées de ce qu’ourdit le destin dans l’ombre de l’inconnu. Ils ont des interprétations toutes trouvées pour une variété de rêves, ils sont inquiets ou rassurés suivant les « signifiances » découvertes, et les plus mauvais augures sont détruits par le « rêve effacé ». Sans attacher une importance démesurée à mes rêves, ils m’intéressent, et ils m’ont quelquefois annoncé une lettre, fait attendre une visite imprévue qui venait ; je les considère comme des heures heureuses d’émancipation de mon âme, faisant audacieusement des incursions dans les domaines inaccessibles où elle entrevoit vaguement ce qui devrait lui être cachée encore.

Quand j’étais enfant, j’ai reçu la croyance du « rêve effacé » sans explication. Pour une fleur donnée, un froncement de sourcils, je