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Je la regardai, hésitant à répondre et elle devina ma pensée : « Tu crois peut-être, que lorsqu’on est ratatinée et usée comme moi, il ne suffit pas d’un beau soleil pour donner du bonheur ? C’est une erreur, ma fille. En fait de bonheur, je me contente plus facilement que toi… Vous autres, les gens d’aujourd’hui, vous compliquez trop les choses, et à force de chercher le pourquoi des pourquoi, vous perdez toutes vos chances de jouir tout simplement de ce que le bon Dieu nous donne avec tant de magnificence. À la ville surtout, vous méconnaissez les joies simples, et vous ignorez les meilleurs amis des campagnards : notre soleil, notre jardin, notre ciel, nos blés d’un vert si tendre d’abord, et que j’ai vu mûrir depuis des jours, du fond de mon fauteuil. Tiens, regarde-les qui s’inclinent et se relèvent, ne dirait-on pas les vagues d’un océan d’or ? »

Je la laissais penser tout haut et une émotion complexe m’emplissait les yeux de larmes.

Sa chère âme qui se rythme si parfaitement aux mouvements de la nature semble se préparer d’elle-même aux harmonies plus hautes, et une souffrance naissait de l’angoisse de la perdre… puis, je sentais comme si je l’eusse vue, la complaisance de Dieu pour ce cœur droit et simple qui s’est élargi dans le sacrifice et les larmes, et qui ne trouve à la fin d’une vie d’épreuves que des paroles de reconnaissance et de louanges. À