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LETTRES DE FADETTE

ma fenêtre que je laisse ouverte, et si je ne bouge pas, ma présence ne les dérange pas. Ils sautillent, agités, avides et roublards en diable. Tout à l’heure, pendant que l’un d’eux, la queue tournée, piquait dans une belle mie, un autre, passant vivement près de lui, déroba le morceau avec une dextérité merveilleuse. Le pauvre volé tournait sa petite tête de droite et de gauche d’un air penaud si absolument humain que je riais… tout bas, afin de ménager sa susceptibilité et de ne pas l’effaroucher. Moi je les aime les moineaux. — « Les vulgaires et sales moineaux ? » demandent les petites snobs.

Oui, les braves, petits moineaux qui ont le courage d’affronter une misère très longue à travers nos froids si terribles. Avec leurs gros becs et leurs grosses pattes, ils manquent d’élégance et de distinction, oui, ils sont bien « peuple » ! Affairés, effrontés, avides, batailleurs et rageurs, ils paraissent se piailler beaucoup de gros mots et d’injures, mais ils m’amusent et ils m’intéressent. Quels arrivistes ! « Ôte-toi de là que je m’y mette ! » Les avez-vous vus dégringoler ceux qui occupent la place qu’ils ambitionnent ?

Mais tout cela n’est pas bien beau, dites-vous, et peu fait pour attirer la sympathie ? Que voulez-vous, je les aime malgré leurs défauts et non à cause de leurs défauts, et je comprends toutes leurs faiblesses, même leur vilaine jalousie et leur brutalité pour les jolis oiseaux qui ont fui aux premières brises ru-