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petit salut souriant a été son adieu éternel ?

Elle ne sait peut-être pas pourquoi, mais il lui faut suivre la trace de ses derniers pas, le sillage indéfini que laisse derrière elle l’âme qui a été brusquement arrachée à la vie, la poursuivre à l’endroit où elle a vibré désespérément avant de tomber dans l’éternité !

Elle est seule dans ce petit village perdu, et seule dans le monde entier ! Personne ne soupçonne que le disparu était son fiancé ; les autres jeunes filles de la pension rient entre elles de son « air tragique », et la trouvent mal mise.

Personne ne s’occupe d’elle et ne peut deviner que sa douleur silencieuse et exaltée devient un danger pour sa raison. L’eau l’attire, elle passe des heures à vouloir pénétrer son mystère. Depuis quelques jours elle devrait retourner en ville, à son travail, et des lettres du bureau la rappellent : elle les lit distraitement et les met de côté, indifférente à tout. Sa raison de vivre s’enténèbre, le but si doucement rêvé n’existe plus, et elle glisse peu à peu dans l’inconscience.

Ce n’est pas de la révolte, ce n’est pas un chagrin violent, c’est une obsession maladive qui lui fait passer des journées entières à fixer les vagues, qui, inlassablement, roulent les unes sur les autres sans aller nulle part dans ce lac sans issue. Voilà qu’après les journées, elle passe là ses soirées, guettant un signe, évoquant une vision qu’elle tremble d’apercevoir. L’ombre se peuple pour