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qui nous les arrache dans des tourmentes comme celles-ci ! »

Et la voilà qui me parle de l’amertume des séparations volontaires ou imposées, des déceptions que nous préparent nos espoirs et nos confiances : elle me fait une peinture poussée au noir du désappointement que nous sommes pour les autres et de celui qu’ils sont pour nous…

Il me semblait entendre l’écho de mes propres plaintes aux jours gris où c’est mon tour d’être accablée par la vie, mais hier soir le vent bienfaisant me soufflait de la philosophie sereine, et à la dernière exclamation de mon amie : « Je la déteste la Vie ! » Je répondis vivement : — « Des mots ! Des mots, ma petite ! et la preuve, c’est que vous aimeriez mieux, tous les ans, au lieu de vieillir, rajeunir d’une année, c’est-à-dire avoir l’espoir de vivre plus longtemps, pas vrai ? » — Elle ne répondit pas, et je repris, conciliante : — Vous, comme moi, disons un tas de choses que nous ne croyons pas ! Chacune notre tour, nous nous plaignons de la vie, mais nous l’aimons quand même. Et nous avons raison. Le bon Dieu a voulu que nous aimions la vie, et Il a si bien réussi, qu’il n’y a que les fous qui se tuent ! La vie est bonne, et la Sagesse, ce serait de ne pas attendre d’être menacés de la perdre pour s’en apercevoir.

Je prêche ici pour moi comme pour vous, j’ai mes heures de lâcheté aussi, et quand une parole raisonnable m’encourage, je me ressaisis.