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de cette tristesse, des larmes que je versais librement, des stations dans la chambre mortuaire, de l’émotion profonde qui me bouleversait : « mon cœur n’est pas tout à fait mort ! » me disais-je. Mais ensuite, en y réfléchissant, j’ai eu horreur de l’espèce de plaisir que j’ai pris à ce malheur… et j’ai bien vu que mon cœur est bien mort… j’ai trop épousseté, c’est évident ! »

Et son pauvre petit rire saccadé finit dans un sanglot.

Ma pauvre petite âme, vous êtes bien vivante encore, mais on est en train de vous tuer. Oh ! pouvoir vous faire franchir le cercle magique où vous enferme l’inconsciente étroitesse d’une mère qui se croît irréprochable et qui se scandaliserait si on l’accusait d’avoir été cruelle et injuste en mettant sous le boisseau la jeunesse, la beauté et l’intelligence de ses filles, pour les vouer, comme elle-même, à ces seules occupations ménagères, incessantes et inutiles et qui ne s’imposaient pas puisque la famille vit dans l’aisance.

Mais écoutez bien. On ne peut vous sortir de votre cadre, mais votre âme est à vous, indépendante et libre, susceptible d’une vie profonde et intense que personne ne peut vous enlever. Vous n’y avez pas assez réfléchi, et vous vous êtes abandonnée un peu lâchement, sans résistance et sans lutte. Il faut vous réveiller, recréer en vous de l’espérance : c’est de la vie nouvelle. Affirmez