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faut les préparer, et au lieu de flâner comme nous le faisions ce soir, ne perdons pas une minute, mes amies, et tricotons pour tous les soldats qui auront si froid en novembre !

Ah ! défions-nous de nos beaux discours sympathiques, des jolis mouvements de sensibilité qui nous mettent les larmes aux yeux ; tout ce remuement d’émotion nous donne peut-être l’impression que nous avons beaucoup de cœur ; c’est une illusion si nous pleurons de pitié sans bouger un doigt pour donner du secours.

N’être pas méchante, ce n’est pas nécessairement être bonne. La bonté est active, dévouée, désintéressée, et les phrases et les larmes n’avanceront pas beaucoup tous les malheureux qu’il est de notre devoir d’aider.

Afin de ne pas troubler notre quiétude, nous préférons ne pas nous arrêter longtemps à cette pensée de la guerre qui nous obsédait il y a quelques mois.

Nous serions-nous donc habituées à l’horreur de la souffrance et de la misère ?

Je ne veux pas le croire, nous nous reposions seulement. Maintenant, c’est fait, et nous serons bonnes. Et n’oublions pas que nous ne le serions pas, en courant après le plaisir et en fuyant tout ce qui ressemble à une gêne ou à un effort.