Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

même les roses, et tant de bonheur qu’elle en avait des ailes, et de tels désespoirs qu’elle se prenait pour une héroïne des contes qu’elle aimait tant.

Quand on veut du vrai bon, sans ombres, sans regrets, on écarte tous les autres souvenirs, et ceux de l’enfance se détachent radieux comme des soleils, doux comme des caresses maternelles, avec le commencement de profondeur et de mystère d’une âme qui prend conscience d’elle-même ?


XVI

L’Ouragan

Ce n’est plus le jour et ce n’est pas encore la nuit. Les montagnes ont pris des teintes violettes, puis sont devenues grises ; elles s’affacent et semblent s’évaporer. Les vagues soulevées se brisent dans l’ombre sur les galets de la grève, et du large, accourt le vent qui donne de la voix. Des nuages menaçants roulent, noirs et rapides : on les sent peser lourds et humides sur les épaules… et on attend… on attend dans une angoisse inquiète qu’ils s’ouvrent pour livrer passage à la tempête qui se prépare.

Plus bas, dans la vallée, les lumières du village voisin s’allument une à une, la rue est déserte et hors le vent, tout se tait. Lui s’élève : des rafales brusques passent en sifflant, et dans les accalmies, une plainte adoucie, continue, se fait entendre et ressemble à