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LETTRES DE FADETTE

ne sort jamais de la coquille de ses petites idées et de ses habitudes routinières.

Vaniteux et suffisant, il ne voit que lui, ne trouve personne à sa hauteur, aussi comme il s’admire, comme il se vante et comme il s’aime !

Ce qui lui plaît doit nécessairement plaire aux autres, et s’il a faim, il faut que sa femme mange ! Quand il est malade, les bien portants ne peuvent pas rire, et si les autres sont malades, cela ne vaut pas la peine de s’y arrêter, c’est de l’imagination !

Un égoïste de ce calibre est absolu : il ne sait voir ni à droite, ni à gauche, et cela n’importe pas. Il se voit, lui, le centre, vers lequel tout doit converger : il utilise le talent des autres, il accapare leur temps, il profite de leur malheur, il se réjouit des maladresses et de l’incurie de ceux qui ne réussissent pas dans la vie…

Essayez de lui dire qu’à côté de son monstrueux égoïsme des fiertés sont blessées, des libertés sont opprimées, des cœurs sont écrasés, toute la joie est éteinte !

Il vous taxera de calomnie et d’injustice, il protestera de toutes ses forces ; au besoin, il vous prouvera que les pauvres, autres que vous plaignez sont des privilégiés de vivre dans son rayon et de servir à son auguste bonheur. Et il continuera son chemin dans la vie la tête haute, le talon sonnant, rempli et fier de lui-même, et jamais, au grand jamais, il ne prendra souci des destinées humaines qui ont