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XIV

Le Monstre

« Le moi est haïssable », a-t-on dit, mais on dit tant de choses ! Et celui qui a dit cela trouvait, comme vous et moi, que c’est le « moi » des autres qui est haïssable, et il aimait beaucoup son « moi » à lui.

On a discuté et on discutera toujours sur l’égoïsme comparé des hommes et des femmes. Discuter fait passer le temps mais ne sert à rien, au fond.

Il y a des égoïstes des deux sexes et nous en connaissons de plus détestables les uns que les autres.

L’égoïsme que nous connaissons moins et dont nous nous gardons bien de parler, est celui que nous soignons tendrement au fond du moi haïssable que nous aimons tant. L’égoïsme, c’est le culte du moi, et qui n’a pas de dévotion pour soi ? Elle est plus ou moins fervente, plus ou moins encombrante, et ceux qui se défendent de cette dévotion-là sont pires que les autres : car ils s’aveuglent sur eux-mêmes, et ils sont égoïstes sans s’en apercevoir. Ils sont sur le chemin qui les mène à l’égoïsme parfait.

Connaissez-vous un franc égoïste ? C’est une laide chose ! D’abord il manque d’intelligence. L’intelligence suppose de la largeur de vues, de l’adaptabilité, et le vrai égoïste