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LETTRES DE FADETTE

ne savent rien de l’amitié, et devraient, sans tarder, se mettre à la recherche d’un autre mot qui exprimerait les relations banales et familières de la vie quotidienne, avec des êtres qu’ils tutoient mais qui leur sont étrangers.

Cette miraculeuse amitié, née à l’instant où vous avez lu dans les profondeurs de l’autre âme, en lui ouvrant toute la vôtre, amènera-t-elle, entre vous, une grande intimité ? Pas toujours… pas nécessairement.

Après s’être livrées dans un moment d’émotion, les âmes habituées au silence s’y renferment de nouveau, mais elles ne sont plus les solitaires d’avant. Elles savent que, quelque part, soit tout près, soit très loin, existe un être qui les a devinées, qui a vu « le visage de leur âme », et qui, désormais, les comprend quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, et si bien, qu’au besoin, ils les expliqueraient à d’autres qui les méconnaissent. Tout cela paraît subtil et un peu mystérieux, cependant beaucoup de femmes et quelques hommes me comprendront.

D’autres hausseront dédaigneusement les épaules. Ce sont ceux qui laissent dormir leurs âmes ou refusent d’écouter sa voix qu’ils étouffent sous des raisonnements médiocres et des points de vue pratiques qu’ils confondent avec la sagesse.

Ceux-là vivent dans un bien-être satisfait, et appellent leurs « amis » tous ceux qui contribuent à rendre leur vie plus agréable :