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LETTRES DE FADETTE

Anne qui attend chez elle, anxieuse, et espère tout de ce rappel discret.

Léa et Pierre ont mangé ensemble le cœur de la pauvre petite qui a pleuré toutes ses larmes à la fin de ce jour de Pâques. Elle se serait vite consolée, si elle avait pu deviner comme Dieu est bon de la préserver de Pierre !

Mais elle ne sait pas… nous ne savons jamais que longtemps après !


IX

Pour les Aveugles !


Le ciel est toute splendeur et toute lumière. Les vagues, gonflées par la débâcle ont des tons étranges d’ombre dure et de lueurs roses que leur prête, pour un moment, le soleil qui disparaît. Je ne vois que le ciel et l’eau, et là-bas, la rive brune qui s’illumine magiquement aussi.

Une paix immense plane sur toutes les choses et pénètre mon âme. C’est la prière du soir de la journée, se retirant dans une telle beauté que je regrette infiniment les laideurs et les petitesses que j’y ai mises. Pendant qu’émerveillée de Dieu et de son soleil, je contemple le tableau familier et cependant jamais vu ainsi, je porte la main à mes yeux en pensant aux aveugles éternellement dans le noir, pour qui n’existent ni les lointains transparents, ni la voûte bleue, ni le