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écrire une lettre bien sage, une lettre de carême finissant ?

Oh ! l’incorrigible Fadette qui rêve avec le Printemps, se grise de musique et oublie la chronique ! L’excuserez-vous ?


VIII

Le cœur de Marie-Anne


Ce matin de Vendredi saint, il n’était pas cinq heures, quand le père Michon qui emplissait la cuisine de son impatience, cria de sa plus grosse voix : « Vite, la p’tite ! On a une grosse journée à prendre à la cabane ! Les érables ont dû couler comme des fontaines, et j’ai quasiment regret d’avoir pas passé la nuit au bois. J’étais rendu ! Un homme, c’pas une machine ! »

Pendant qu’il parlait, Marie-Anne dégringolait l’escalier, fraîche comme l’aube et vive comme un coup de brise.

Et ils s’en allèrent à l’érablière, par les chemins défoncés, le bonhomme fumant placidement sa pipe, et la jeune fille, distraite, toute au rêve intérieur qui n’était pas gai.

Dans le ciel délicat, encore teinté d’aurore, des petits nuages roses s’éparpillaient comme des pétales de fleur ; l’air pur et froid se parfumait, en approchant du bois, de la bonne odeur de la sève nouvelle, s’activant à habiller de vert le pauvre petit Printemps, tombé tout nu et grelottant dans les premiè-