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cette pensée, que Dieu en nous les enlevant leur permet une union plus étroite avec nous. Dans la première douleur de la séparation nous ne pouvons comprendre cette intimité nouvelle, ce n’est que plus tard, quand les petites amitiés de la terre nous ont manqué, que nous avons senti autour de nous et en nous des voix connues qui dominent les rumeurs du monde et reprennent contact avec tout ce qui nous intéressa ensemble, autrefois… mais comme ils voient tout de très haut, ils nous élèvent avec eux dans les régions supérieures. Aimer toujours nos morts, c’est savoir les entendre quand ils nous parlent.

Laissons pénétrer en nous la conviction, qu’à notre tour, quand nous serons partis, nous posséderons nos amis par tout le mystère de leur âme qui n’aura plus de secrets pour nous, et que nous pourrons leur être plus secourables et plus bienfaisants que maintenant.

Que cette pensée nous rende patients avec ceux qui se taisent et indulgents pour ceux qui ne comprennent pas très bien.

Il pleut toujours : à travers le grand silence de la rue déserte m’arrivent les sons un peu vagues de l’orgue grêle de la petite église… les accords monotones arrêtent, puis, reprennent avec chaque psaume nouveau, et il me semble que ma tristesse, comme un voile qui se lève, se fond peu à peu dans une douceur apaisante qui vient de très loin… peut-être des bonheurs passés…