Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et je me dis machinalement : « Il faut pourtant trouver quelque chose à dire aux lecteurs de Fadette ! » Mais je ne trouve rien et je devrais avoir des scrupules de vous faire partager l’impression opprimante qui se dégage d’une grande solitude perdue dans le brouillard.

Peut-être quelques-uns parmi vous auront déjà senti profondément que malgré les amitiés et les sympathies, chacun de nous est terriblement seul en ce monde ! Nous sommes parfois longtemps sans nous en douter, nous sommes si entourés extérieurement ; puis, subitement se fait l’angoissante révélation. Nous sentons tout à coup que nous sommes hors d’atteinte de toute aide et de toute consolation, et nous n’avons personne à accuser, puisque c’est notre incapacité à nous expliquer et à nous révéler qui nous isole ainsi.

Quand vous avez voulu dire ce qui vous consume en dedans : angoisse, doute, regret ou joie profonde, avez-vous remarqué, sur la figure de celui qui écoute, cette expression de non compréhension qui vous force à reculer en vous-même ? C’est dans ces moments que l’âme sent sa solitude, et qu’elle entrevoit dans un éclair lumineux qu’elle sera encore plus seule pour mourir qu’elle ne l’a été pour vivre.

Je me dis souvent que nos morts, ceux dont la pensée nous suit toujours, nous comprennent mieux que les vivants, et c’est très doux