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XLI

Fleurs éphémères

Ma petite voisine n’est pas plus haute que la table ; elle est fine et jolie comme un bijou, vive comme un coup de vent, volontaire comme un petit Napoléon ! Dès qu’une chose la tente, il la lui faut, sans tarder. Or, hier, elle vit dans le gazon des dandelions passé-fleurs, et elle vint en courant, les bras tendus vers ces fleurs légères et étranges. D’un geste brusque elle les enlève, et à sa consternation, voilà tout leur duvet dispersé autour d’elle. Tenace, elle en cueille encore, plus doucement, cette fois, et elle plonge son nez rose dans la soie duveteuse qui s’envole ! Alors, indignée, elle me crie : « C’est des fleurs-semblant ! Leurs plumes ne sont pas collées ! » Et en vraie femme, elle pleure toutes ses larmes, et il faut la consoler avec des caresses.

Ah ! qu’elle ressemble aux jeunes filles élevées dans l’illusion d’un monde tel qu’il devrait être et non tel qu’il est !

Avec les intentions les plus louables, on leur a instillé dans l’âme un idéal qu’il serait peut-être désirable d’atteindre, mais qui, marchant côte à côte avec la réalité, en est bien vite déconcerté et ébranlé, surtout si l’idéal n’a jamais soupçonné qu’il est le rêve et que la réalité est la vie ?