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Il est extraordinaire de se sentir obligée d’exprimer une vérité si évidente et si naturelle dans un pays qui n’est pourtant pas un pays de sauvages !

La notion des « petits anges au ciel » nuit singulièrement au bien-être « des anges sur la terre », et elle a certainement contribué à diminuer le sentiment maternel populaire… pour en avoir la preuve pensez au nombre de femmes pauvres qui vous disent tout tranquillement : « J’ai eu huit enfants, mais j’ai eu la chance d’en perdre quatre ! » C’est tout simplement scandaleux et cela relève autant de la morale que de la religion bien comprise. Il faudrait des apôtres pour faire l’éducation maternelle des femmes qui mettent au monde dix ou douze enfants et qui en élèvent trois ou quatre en se réjouissant de la mort des autres. Ce sentiment de soulagement éprouvé à la mort de leurs bébés est contre nature, et pour peu qu’il s’y mêle de la négligence consciente, il est criminel.

Les malheureuses petites mères qui ont lutté pour sauver leur enfant malade, qui l’ont veillé nuit et jour et qui l’ont perdu quand même, sont indignées et révoltées devant cette dureté de cœur des mères indifférentes ! Il y a autre chose à faire que de les blâmer : elles pêchent par ignorance, ces pauvres femmes, dans une misère qu’il faut avoir vue pour la réaliser, et c’est aux femmes instruites et riches à chercher à les éclairer et à adoucir leur vie. C’est un apostolat qui peut s’exer-