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il se trouve d’autres mères étranges pour venir dire à ces désolées : « Vous êtes bien heureuse ! C’est un petit ange au ciel ! »

Quand déracinera-t-on cette idée fausse que l’on trouve presque généralement dans la classe pauvre, et trop souvent aussi dans la classe aisée, que la perte d’un bébé est une « chance », suivant leur déplorable expression, image de leur déplorable faux sens chrétien !

Car il s’est trouvé des gens qui ont voulu expliquer à la glorification de l’esprit religieux canadien ce misérable sentiment : « Ce sont autant de petits anges », fait-on dire à ces mères extraordinaires.

Allez voir comme on néglige et soigne sans intelligence ces pauvres futurs anges, et vous me direz si vous voyez là briller un sens chrétien admirable ?

Oh ! non, il n’y a rien de beau dans cette résignation passive qui laisse le bébé dépérir sans même appeler le médecin. Ce n’est pas de la foi, c’est une paresse et une indifférence coupables, et il faut enseigner aux mères non seulement à soigner leurs enfants, mais aussi à vouloir qu’ils vivent ; elles consentent trop facilement à les voir mourir !

Et c’est là, certainement, une des causes de la mortalité infantile, et elle en tue autant que la chaleur et la qualité inférieure du lait.

Les enfants sont donnés aux parents pour qu’ils les élèvent : quand ils les perdent, c’est un malheur, un grand malheur et jamais un bonheur dont il convient de les féliciter !