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offerte par les hommes sans daigner les remercier par un mot ou un salut. » Ce fut admis, et aussi, qu’au fond de ce laisser-aller général, on trouve un formidable égoïsme.

Être poli, c’est penser aux autres et se déranger pour eux : les êtres très égoïstes ne sauraient être bien polis. Satisfaits et souriants tant que les autres font les frais et les avances aimables, ils se retirent dès que c’est à leur tour de s’oublier. Arrangez-vous, ce n’est plus leur affaire, et si les vôtres vont mal, tant pis pour vous ! Autrefois on a écrit des Canadiens : « C’est un peuple de gentilshommes. »

Hélas, nous ne méritons plus ce joli compliment, du moins c’est ce qui ressortait de l’amusante discussion d’hier où le mot de la fin fut dit par la grand’mère de notre hôtesse, une exquise vieille dame qui avait écouté en silence et qui prit la parole quand les jeunes furent à bout de souffle. — « Ne vous étonnez pas que les hommes d’aujourd’hui soient si peu polis : si vous n’y veillez, mes enfants, ceux de demain seront pires. On ne se donne plus la peine d’élever les enfants, ils poussent comme ils peuvent. On tolère leur sans-gêne et leur impertinence avec les parents, leur grossièreté avec les domestiques, leur brusquerie et leur rudesse entre eux. Ils entrent au collège où ils sont instruits sans être éduqués et ils vont ensuite à l’Université ! Il n’y en a pas une, parmi vous, qui ne faites un détour pour ne pas passer devant les étu-