ble moi-même, je ne pouvais plus l’endurer ! Et j’étais en train de le lasser et de lui faire oublier qu’il m’avait tant aimée. M’étant éveillée à la réalité, je me mis à l’œuvre pour reconquérir mon bonheur, mon mari, et mon amabilité ! Ce fut dur : il fallut lutter contre mes nerfs, la faiblesse physique, l’habitude prise d’exprimer mes mécontentements, toutes mes petites lâchetés morales… D’une semaine à l’autre je me sentais redevenir la moi d’autrefois. Et quand enfin j’eus repris possession de ma meilleure âme, j’y retrouvai mon amour pour mon mari, le cher bon, qui jouissait de l’amélioration sans trop chercher d’où elle venait. Il avait failli être détesté, sans s’en douter heureusement et simplement parce que j’étais méchante ! »
Cette confidence me fit beaucoup réfléchir, et je me suis dit depuis qu’elle peut être utile à ceux qui voient s’éteindre en eux des lumières, et qui, dans les ténèbres, pleurent des bonheurs qui ne sont pas perdus encore, mais qu’il faudrait saisir fortement pour les conserver.
LI
Semaine sainte
Le train file entre les champs jaunes aux sillons durs, d’où sortiront bientôt des herbes fines et des blés légers… mais les teintes d’automne sur ces terres d’avril font oublier la sève montante, et dans le wagon