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injustices, puisque ce qui plaisait quand nous aimions, fatigue et ennuie quand nous n’aimons plus. Alors ce n’est pas nous qui nous modifions quand nous plaisons moins, c’est l’autre qui nous retire son affection, et avec elle, tout le prestige dont elle nous revêtait à ses yeux.

Nous causions de cela, mon amie et moi, auprès d’un beau feu où les souvenirs de tant de déceptions devinées se dessinaient dans les longues flammes bleues : nous n’étions pas tristes, peut-être, mais émues et pensives, en frôlant tout l’inconnu des retraites profondes de nos âmes.

« Et cependant, avoua mon amie, nous sommes quelquefois moins aimées parce que nous devenons moins bonnes à aimer… Moi qui vous parle, j’ai éprouvé pendant un certain temps quelque chose qui ressemblait à de l’antipathie pour mon mari : il m’agaçait tellement que je me tenais à quatre pour ne pas l’égratigner. — Et comment vous êtes-vous guérie de cette maladie, fis-je en riant, car vous me paraissez bien unis et heureux maintenant ? — En découvrant que c’était moi-même qui devenais grincheuse et insupportable. Au travers des difficultés inséparables et laborieuses des premières années de ménage, je m’étais laissé envahir par le mécontentement et l’amertume, et c’est à travers ces fumées que je voyais mon mari. Il était le même, ni mieux ni pire, qu’à l’époque de notre mariage, mais, étant devenue détesta-