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Mais les années passèrent, son âme grandit en s’emplissant de Dieu et en s’habituant à l’infini… et un jour, avec des précautions délicates et une douceur cruelle, l’enfant me demanda sa liberté pour l’offrir à Dieu… je fus atterré ; mais qu’avais-je à dire ? Elle n’était même pas à moi… et puis, avec elle j’avais appris bien des choses, et l’une d’elles, que je ne pouvais la disputer à Dieu. Un soir, elle partit et je fus tout seul, comme avant !

Mais quand on a vécu avec les anges, on ne doute pas de l’existence du ciel, et quand on est vieux comme moi, on le voit tout près ; ma petite Marie prie bien, je sais, pour que j’y aie une place pas loin d’elle, car c’est bien triste de ne plus la voir ici !

Ô ce « tragique » quotidien ! Si on est attentif on le sent gémir dans toutes les âmes humaines, surtout celles qui se sont renfermées dans le silence. Quelquefois, au contact d’une sympathie vraie, ces âmes s’ouvrent et livrent leur secret douloureux. Ce remuement de la souffrance soulage les uns, blesse les autres, mais fait toujours du bien à qui apprend de plus en plus les âmes, la vie, les voies mystérieuses de la Providence. Pourquoi était-elle venue dans cette vie isolée, la petite Marie ? Pour mettre Dieu dans l’âme du vieux savant, puis elle est partie parce que d’autres âmes avaient besoin de Dieu aussi, et que Sœur Saint-Benoît pouvait le leur révéler.