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savait, et poussa la charité jusqu’à vivre assez longtemps pour que je puisse me tirer d’affaires tout seul. J’avais recueilli un petit héritage qui me rendit propriétaire de cette maison : j’y vécus bien des années entre mes livres et mes fleurs. Je n’aimais personne, personne ne m’aimait, et j’en voulais à toute l’humanité d’avoir une taille de nain et une bosse sur le dos !

Mais quand la petite se mit à m’aimer, à m’appeler « mon beau vieux Nonc », je me transformai. J’oubliai ma difformité et la malice des hommes, j’eus un magnifique dédain de l’impression que je créais. Et même, Dieu me pardonne, je me souviens que lorsque je me promenais avec la menotte de la petite dans la mienne, je poussai la fatuité jusqu’à me croire un objet d’envie.

Elle grandissait et j’étudiais, ravi, le développement de cette petite âme humaine, la première dont je m’approchais. J’y découvris le germe de mes curiosités, de mes inquiétudes, de mes aspirations, j’y vis ma sensibilité encore affinée, et je n’eus plus d’autre intérêt dans la vie que la chère mignonne. Elle était intelligente et sérieuse, attirée comme moi vers le mystère de l’infini : elle ne se lassait pas de me questionner ; moi, pauvre homme, j’étudiais encore, et je répondais de mon mieux, mais si peu bien, en somme, qu’elle est allée dans la maison de Dieu, Lui demander à Lui-même ses secrets !

Toute petite, quand elle eut compris que tout dans la nature est vie et mort, elle donna