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dans leur sommeil : c’est un murmure incohérent et doux, de mots si souvent répétés, que leur signification en est usée ! Regardez les princesses remuer les lèvres pour psalmodier les vêpres : elles rythment les psaumes d’une voix si égale, si monotone, que je suis sûre que le ruisseau bavard, sous nos fenêtres, a plus conscience de sa course sur les cailloux, qu’elles, du mouvement de leurs lèvres articulant les syllabes latines. Jamais, Madame, je n’avais imaginé une vie si étrange, si douce mais si inconsciente ! On se croit dans une autre planète… et c’est ça qui repose ! conclut-elle d’un air las.

Je l’avais écoutée sans l’interrompre, amusée et charmée par ce conte gracieux, mais un peu scandalisée de cette incompréhension absolue de la vie intérieure, de la vie religieuse, qui font de toutes celles qu’elle appelle des princesses endormies, des âmes si vivantes, si ardentes, qu’à leur contact on respire Dieu, Dieu dont elles vivent et qu’elles exhalent. Sans doute le ciel les attire, mais elles aiment la vie où Dieu les veut et comme Il la fait pour elle !

Elles prient, et leur inlassable et vivante prière accompagne une activité qui s’exerce au profit de toutes les faiblesses et de toutes les misères humaines : vieillards qu’elles hébergent, orphelins qu’elles recueillent, malades qu’elles soignent, morts qu’elles ensevelissent, enfants qu’elles instruisent ! Et celles-ci ? Ces contemplatives ? Oh ! non, elles