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Je faisais part de cette impression à une jeune femme américaine, pensionnaire de hasard, comme moi, de ce ravissant couvent où tout est silencieux et froid même quand le soleil brille ! Chaque pièce ensoleillée ressemble à une glacière où la lumière serait venue se rafraîchir, et cependant les calorifères donnent une température égale et agréable. C’est un soleil éblouissant qui rayonne, mais sur ces murs blancs, ces rideaux blancs, ces parquets cirés, les rayons sont fragiles et sans chaleur. Ma compagne est protestante et un peu poète et elle me répondit : Oui, c’est un palais enchanté habité par des princesses qui dorment. Quand on leur coupa les cheveux, avant de les coucher dans leur cercueil, quand on ramena sur leur figure, comme un linceul, leur voile de professe, elles s’endormirent… et leur sommeil dure… Le prince qui viendra les réveiller passera à travers les ronces et les épines combattant les géants du Désespoir, les dragons du Regret, et il les tuera… et les princesses attendent ce prince et c’est la Mort.

C’est pour cette heure de liberté qu’elles respirent et qu’elles prient jusqu’au moment de leur délivrance.

Chaque soir elles se disent qu’un jour a passé qui les rapproche de l’instant de l’arrivée du Prince qui leur ouvrira les yeux.

Elles dorment, les princesses : vous me direz qu’elles prient ? Oui, presque toute la journée, mais comme font ceux qui parlent