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LETTRES DE FADETTE

vue mauve dans les jours adoucis où se devinent des menaces de tempête ; je l’ai vue grise et mauvaise, ou blanche et endormie, ou terne et sans reflets, ou éblouissante à nous aveugler !

Vous pensez aussi, peut-être, que la neige est toujours une chose froide ? Mais, ne l’avez-vous pas vue tomber légère comme des duvets, ouatant les creux, remplissant les vides ? Ne l’avez-vous pas sentie molle aux pieds et douce, aux joues comme une caresse, une jolie caresse divine qui vous met au cœur de la chaleur et de la joie ? Ah ! le livre du conte de fées est là, à notre portée, mais trop indolents pour le lire attentivement, nous laissons la vie en tourner les pages, et, dédaigneux, nous y jetons à peine les yeux : « J’ai déjà vu cela ! Ce n’est que du soleil, du vent, un tourbillon de neige, des hommes et des femmes qui passent… toutes les larmes sont semblables et tous les sourires se ressemblent… cela ne m’intéresse pas… que la vie est monotone ! »

Étonnons-nous après cela de toutes les incompréhensions humaines et de tous les malentendus tragiques !

Quand apprendrons-nous à voir, à entendre, à sentir ? Quand éveillerons-nous notre âme engourdie et notre corps qui ne sait pas se servir de ses facultés ?

Nous ressemblons trop aux chenilles qui se traînent dans leur misère… Savent-elles qu’il peut leur pousser des ailes pour s’en-