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XLI

Nous changeons…


Nous serions bien surpris, si au bout de chaque année nous pouvions voir distinctement ce que nous ont appris ces douze mois… et qui sait, si, au bout de dix ans, nous reconnaîtrions notre âme tant elle a évolué et parfois s’est transformée. Mais nous réfléchissons si peu que nous ne savons pas de quelle manière elle a subi l’enseignement quotidien de la vie, la leçon des choses vues et comparées, l’exemple des existences coudoyées, l’influence si puissante des grandes affections, l’impitoyable morale du temps qui va, sans arrêt, au milieu de nos joies et de nos détresses.

Non, nous nous croyons toujours les mêmes, surtout si la vie, nous emportant dans son tourbillon, nous a enlevé le loisir et la curiosité de tourner nos yeux en dedans. Cependant nous sommes autres. Meilleurs ? Quelquefois, la souffrance affine une âme et vit-on dix ans sans souffrir ?… Pires ?… oui, si nous ne sommes pas meilleurs : la douleur qui n’élève pas l’âme la rétrécit et la durcit.

Mais, puisque nous nous modifions tant sans le vouloir, sans même le savoir, de quelles transformations morales ne serions-nous pas capables consciemment et volontaire-