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LETTRES DE FADETTE

Comme dans la nature, pour les arbres et les plantes, il y a dans l’âme humaine des floraisons soudaines, après des jours de travail mystérieux et invisible : tout à coup elle a des aperçus lumineux, elle comprend, elle se rend compte que chaque heure de chaque jour la prépare à l’imprévu, la seule chose certaine de nos vies changeantes.

Ceux qui regardent pour « voir », qui écoutent pour « entendre », et qui observent pour « deviner » et « comprendre », n’ont jamais trouvé la vie monotone même s’ils ont beaucoup à se plaindre de sa dureté. Ils considèrent la nature un peu comme une personne dont ils sollicitent la sympathie et dont ils redoutent l’hostilité, et les choses sont pour eux des compagnons qui peuplent leur solitude et dont ils cherchent à pénétrer l’âme inconnue. En étudiant les hommes autour d’eux, ils peuvent les voir se dérouler, se replier, se modifier selon les circonstances, et c’est un jeu d’un intérêt suprême, l’occupation même de Dieu qui voit l’humanité suivre le plan qu’il lui a tracé ; mais pour nous il y a des surprises, et des étonnements devant les âmes dont nous pensions avoir pénétré le secret. Les âmes changent de formes comme les nuages et de nuances comme la neige que les aveugles croient être toujours blanche.

C’est une de leurs nombreuses erreurs ! J’ai vu la neige rose dans les couchers de soleil et bleue dans les nuits lumineuses ; je l’ai