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Elle était une chrétienne admirable, mais elle était aussi une artiste, de celles qui « trempent leurs mains dans la Beauté » pour en parer tout ce qui les approche, et elle avait le don incomparable de se donner, de donner son esprit, de donner son âme, de donner sa joie, et on la quittait en se sentant meilleur et plus riche.


XXXV

La folle entreprise


Les nuages gris se sont dispersés et du ciel bleu ruissellent les rayons clairs et chauds qui font s’entr’ouvrir les petits panaches verts accrochés aux fines branches souples. C’est le Printemps, et c’est l’Ascension, cette fête du Ciel qui tire en haut les pauvres âmes terrestres. Des sourires flottent dans l’air tiède et pour nous qui nous souvenons, des effluves du passé imprègnent l’atmosphère d’aujourd’hui. Notre passé. Il est merveilleux et si peu lointain. À compter les générations, il n’y en a pas six entre nous et ce 18 mai 1642, où Monsieur de Maisonneuve et ses compagnons venaient fonder une ville dans la forêt vierge.

On disait alors à Québec : « Ô la folle entreprise ! » Ce sont les plus belles quand elles réussissent, et Montréal est le fruit superbe de cette « folle entreprise » accomplie avec un héroïsme et une noblesse que nous ne connaissons pas assez peut-être.