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sont le principal mérite du style épistolaire ne s’apprennent pas : il faut en trouver le secret. Et d’abord il ne faut pas vouloir « bien faire une lettre ». Ce souci empêche sûrement la lettre d’être naturelle et votre pensée, au lieu de prendre son vol, cheminera un peu lourdement, ornée de clinquants, artificielle et décevante.

Le secret d’être naturel, enjoué, spirituel sans effort, un grand nombre l’ont connu parmi les épistoliers offerts à notre admiration.

Pour qui veut marcher sur leurs traces de très loin, il n’y a encore rien comme d’être « soi », de se montrer dans ses lettres tel qu’on est en réalité, avec ses élans, ses goûts, ses impressions, ses ignorances, ses petites lueurs, ses faiblesses. Alors seulement les lettres ont cet attrait séduisant qui échappe à l’analyse, mais qui fait d’une lettre un instant de tête à tête charmant avec l’auteur de la lettre.

Le hasard a déjà placé entre mes mains une trentaine de lettres intimes d’une inconnue morte depuis des années. Dès les premières pages, je fus prise par l’intensité de vie qu’elles dégageaient, et à mesure que je feuilletais cette âme, en lisant ses illusions, ses fantaisies, ses bonheurs, ses tristesses, — hélas ! elles sont toujours l’envers du bonheur, — mon intérêt devenait tel, qu’à vingt ans d’intervalle, je vibrais à toutes ses impressions et ses angoisses me navraient.