Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce qu’il voit et ce qu’il touche ! Il ne sait rien pressentir, rien imaginer, rien deviner ! Il faut tout lui expliquer ! Ah ! Seigneur ! Vous lui avez donné un gros corps, mais quelle petite âme et comme il s’en sert peu ! C’est un grand enfant raisonneur, gourmand, inconstant et exigeant. Il m’en voulait si je n’avais pas faim, il me grondait quand j’avais l’humeur folâtre, et il était stupéfait quand je savais sa pensée avant qu’il ne me l’eût dite.

Le dieu, amusé, la trouvait bien jolie et il continua son enquête :

— Alors, tu n’es pas malheureuse de son abandon et tu ne l’aimes pas ?

Rougissante, un peu émue :

— Pardon, Seigneur, je n’ai pas dit que je ne l’aime pas…

— Tu m’as dit qu’il ne vaut pas la peine d’être regretté.

— Hélas ! c’est bien vrai.

— Alors ?

— Je le regrette tout de même, et je l’aime de tout l’amour de mon cœur.

— Quels êtres étranges, ai-je donc créés là ? s’écria le dieu exaspéré qui s’était toujours gouverné à coups de syllogismes.

Après avoir réfléchi longuement il reprit doucement :

— Ce que j’ai fait est bien et tu ne dois pas agir suivant les lois inflexibles de la pure raison. C’est ton cœur qui te gouverne et c’est bien. N’aime pas uniquement les belles choses, mais aime ce qui est beau dans