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de toutes celles, hélas ! qui attendent de l’aide.

Par quel miracle, alors, fait-elle renaître le courage et réveille-t-elle l’activité en faisant défiler devant nos yeux la lamentable procession des misères, des abandons, des déchéances et des désespoirs ? — Comme l’une des plus douces héroïnes de Dante, elle est « une dame aux yeux de pitié » ; elle sait communiquer non seulement sa compassion, mais le désir de contribuer avec elle à soulever les fardeaux qui écrasent les malheureux. En primitive que je suis, je pense en images, et pendant qu’elle me parlait, j’ai vu son âme habitée par la Pitié et la Bienfaisance qui la tiennent toujours occupée et ne lui permettent jamais de savourer sa tristesse, et j’ai vu, presque aussi distinctement, d’autres âmes inquiètes, remplies de fantômes, regrets, souvenirs, rêves fous : ils errent sans but, apparaissent et s’évanouissent au caprice des heures, en laissant les cœurs las et désemparés.

J’ai dit à mon amie : — « J’envie votre sérénité ; comment pouvez-vous avoir tant pitié de ces misères sans vous en affliger ? Elle me répondit ces mots étonnants : « Parce que je sais la joie qui en sortira… » et elle continua presque bas : « Autrefois j’ai lu la vie d’une sainte à qui Dieu dit un jour : « Tout est pour l'Amour… ne t’inquiète « pas, tout finira bien. » C’est devenu ma devise et mon acte de foi. »