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ces transformations, elle avait entendu ces voix triomphantes chanter dans le soleil, et elle se consolait en se disant : « Mon heure viendra… je deviendrai belle aussi un jour ! »

Il arriva que l’argile fut prise et emportée dans un tombereau rempli d’autre argile. Après un voyage pénible, on la jeta dans un immense mortier où elle fut roulée, pétrie et écrasée. Au milieu de cette torture, elle était soutenue par la pensée qu’une beauté sortirait de sa souffrance. Mais elle pensa mourir quand elle fut saisie par une meule qui la faisait tourner si rapidement qu’elle avait la sensation de s’éparpiller en atomes. Mais non, un pouvoir étrange la maintenait, la façonnait, et à travers son étourdissement elle sentit qu’elle se modifiait, qu’elle prenait une forme.

Hélas, à peine cet espoir était-il né, qu’une main brutale la glissa dans un four où la chaleur pénétrante, horrible, était plus intense que toutes les chaleurs de tous les étés réunis qu’elle avait endurées au bord de la petite rivière fraîche où elle s’était trouvée si à plaindre !

Elle ne perdait pas courage cependant, et elle éprouvait une confiance grandissante dans sa gloire future : « Puisqu’on se donne tant de peine pour moi, c’est que je deviendrai belle. »

La cuite terminée, elle fut sortie du four et déposée sur une planche, au bord d’un ruisseau ni profond, ni limpide, mais assez