Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les dons se sont accumulés, notre vie a été comblée de bienfaits, mais sans cesse, la main tendue, nous disons encore : « Donnez encore ! Nous sommes malheureux, nous sommes pauvres, nous sommes seuls ! » Et c’est vrai. Nous sommes misérables parce que nous avons gaspillé le temps, dédaigné nos bonheurs, négligé les affections, arrêté nos bons élans, perdu les occasions d’être bienfaisants. Nous avons toujours demandé et jamais rien donné. Oh oui ! Allons bien loin dans le silence regarder au fond de nos âmes, et dans la retraite des grands bois, brisons les liens qui compriment nos âmes et les empêchent de grandir et de vivre en beauté.


XX

Au Château du Rêve


Tantôt, à l’heure indécise qui n’est plus le jour et qui n’est pas encore la nuit, nous avions laissé tomber tricots et broderies. Le grésil crépitait dans les vitres, le vent passait en grandes rafales rageuses, et l’ombre s’amassait dans les coins de la vaste pièce, pendant que la clarté mourante du jour faisait des carrés de lumière dans les fenêtres, et que les bûches embrasées brûlaient en s’amortissant.

En silence nous enfoncions dans la douceur de cette heure charmante lorsqu’on