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lent des choses différentes. L’une dit : j’en voudrais, moi, du lait. — L’autre : je n’en veux pas. — Une troisième grogne : cela m’ennuie de me remuer pour le boire… Il faut que tu me donnes le temps de les écouter ! — Et à laquelle obéiras-tu ? — À celle qui veut plus fort que les autres. N’as-tu pas tes petites personnes, maman, dans toi ?

Oui, petit Pierre, et Dieu sait si elles sont raisonneuses, turbulentes et tourmentantes, nos petites personnes. J’en sais même, qui, tout en se contredisant, paraissent avoir également raison…

Heureux sommes-nous, encore, quand toutes nos petites personnes sont bien éveillées et que les meilleures n’ont pas été réduites au silence par les autres.

Dans notre monde intérieur, comme dans le grand monde extérieur, les voix les plus fortes cherchent à dominer les autres et à tout conduire. Il ne faut pas s’en laisser imposer par leur tapage, et il est sage de voir en chacun de nous, à quelle idée, à quel sentiment ou à quel caprice nous abandonnons la direction de notre vie.

Ne laissons-nous pas paresseusement nos petites personnes discuter, se quereller et régler nos affaires sans nous inquiéter de leurs qualités de directrices ?

Petit Pierre a raison d’entendre ce que dit chaque voix avant de se décider, mais il a tort de céder à celle qui crie plus fort que les autres : c’est ordinairement la plus vulgaire.