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grands poètes anglais et qui fut la femme d’un poète, Robert Browning : il l’adora et reconnut sa supériorité avec une générosité peu banale.

Monsieur Barrett, le père d’Elisabeth, perdit sa femme quand ses enfants étaient jeunes : Elisabeth était l’aînée de plusieurs filles. Elle était maladive et fut souvent immobilisée sur une chaise longue. Elle acquit une forte culture classique, et elle se mit à écrire des vers en le cachant à son père, vieillard sévère, froid et irascible, dont ses enfants avaient grand peur. Ce père tyrannique leur défendait de sortir, de recevoir des visites, de prendre leur part des plaisirs de leur âge, et il leur avait signifié sa volonté de les empêcher de se marier. Il avait donc banni l’amour de chez lui, mais l’amour, en tapinois, s’y introduisait. Les fiançailles s’y nouaient en cachette ; les mariages étaient des fuites accomplies avec la complicité aveugle et muette des sœurs qui attendaient dans leur prison la venue de leur libérateur.

Une à une, les petites sœurs s’en allèrent, et Elisabeth devenait célèbre dans le monde des lettres, pendant que sa vie s’écoulait solitaire et monotone dans la maison de son père. Un jour, elle envoya un recueil de ses vers à un poète qui se mit à l’aimer d’amour sur la foi de sa poésie dont il était enthousiaste. Ils se rencontrèrent et la vieille et belle et toujours nouvelle histoire recommença. Ils s’aimèrent d’un bel amour