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prendre, et privés de bon sens ceux qui ne sont pas intéressés et égoïstes comme eux. Saluez-les, ils se disent les Heureux de ce monde.


XII

Son Noël


Dans la chambre fraîche au papier clair, fleuri de bluets, la petite malade, presqu’assise dans ses oreillers, prête l’oreille aux bruits du dehors qui lui arrivent par la fenêtre entr’ouverte : c’est la sonnerie légère des attelages d’hiver, le crissement des traîneaux qui filent sur la neige froide, les voix des groupes joyeux qui se rendent à l’église pendant que du clocher pointu là-haut, les trois grosses cloches appellent les fidèles à la messe de minuit.

Ce Noël dans son lit ne ressemble guère à ceux qu’elle regarde en elle-même, et elle ferme les yeux pour les mieux voir.

Souvent, elle aussi a marché dans la neige molle qui enveloppait les choses grises et vieilles comme un grand manteau tombé du ciel, et la lune, aux lueurs caressantes, mettait des frissons et des étincelles sur le paysage blanc.

De loin, on apercevait l’église tout illuminée, et le givre qui argentait sa façade la faisait ressembler aux palais qu’elle n’avait vus qu’en images. Comme sur un théâtre lointain, elle voit se succéder beaucoup de